Bernard Jordan



PHILIPPE RICHARD
Événements certains
Exposition du 7 mars au 4 avril 2015 à la galerie Bernard Jordan


Événements certains


En mathématiques, l’« événement certain » est un ensemble qui contient toutes les issues possibles. En guise d’exemple, le lancer de dés est souvent évoqué : l’”événement certain” consiste à obtenir un chiffre entre un et six. Si Philippe Richard pense sa pratique picturale en termes mathématiques, c’est à l’univers de l’analyse combinatoire qu’il emprunte sa méthode. Plus simplement, il laisse venir à lui “ce qui arrive”. “Quand je regarde une peinture en cours, je passe dans ma tête toutes les éventualités. Elles sont liées à mon psychisme du moment, mes capacités, mes sentiments, mon expérience de peintre. Commence un long monologue intérieur : je n’arrête aucune décision et le temps passe, les jours passent, les tableaux changent de place, se trouvent confrontés à d’autres œuvres en cours. Mais que ce soit un nœud, des tasseaux de bois ou des toiles, la solution viendra de la pièce elle-même[1].”


Après l’exposition « Refaire surface » à la Galerie Municipale Jean-Collet de Vitry-sur-Seine (du 17 janvier au 1er mars 2015), Philippe Richard expose à la Galerie Bernard Jordan un ensemble de toiles terminées entre la fin 2014 et le début 2015 qui ont séjourné leur temps à l’atelier, accueillant autant de solutions recouvertes, avant que l’une d’entre elles ne s’impose. Chaque toile s’engage dans un processus lent de dépôts successifs, figurant un véritable palimpseste. Le vocabulaire se compose de points, de lignes, de cellules mais aussi de cibles et de motifs de plus en plus organiques : sortes de corps en expansion presque “épidémiques”, toujours plus proliférants. “Ce qu’il faut, c’est attraper ce qu’on aura du mal à attraper, ce qui échappe. Ce que je sais empêche l’émergence de ce qui pourra arriver. La bataille est rude. La peinture tout comme la psychanalyse n’est pas là pour soigner nos bobos. Elle nous empêche de tourner en rond, nous fait sortir de nous-même et de nos illusions.”


Ces “événements certains” sont des espaces – pour reprendre le vocabulaire mathématique, on parle aussi d’“univers” – jouant le jeu de la planéité et de la circonscription du tableau. Mais si vous n’y prenez garde, ils pourraient tout aussi bien en déborder. Ces débordements subtils se traduisent en une épaisseur, constituant les événements d’une peinture non-autoritaire. Celle-ci accueille le hasard, la tache se déposant contre la volonté, la coulure ou le raté, pour mieux faire émerger une pensée visuelle composée, aussi, d’événements simplement possibles ou impossibles, nous rapprochant encore du domaine scientifique. “L’être humain ne peut appréhender le monde qu’avec ses yeux. (…) Les chercheurs sont entrés depuis longtemps dans le monde de l’invisible. Ils travaillent sur des choses qu’ils ne voient pas, des virus, des ondes, de l’énergie, des nanoparticules (…). Je continue à penser que la capacité d’envisager des images abstraites est ce qu’il y a de plus intéressant, qui offre de nouvelles pistes pour comprendre le monde qu’on ne voit pas. Il ne s’agit pas de l’envisager comme un style ou un courant, juste une possibilité.”


Un catalogue rétrospectif des peintures de Philippe Richard est publié à l’occasion de cette exposition (128 pages, Éditions Galerie Bernard Jordan).



[1] Entretien de l’artiste avec Karim Ghaddab, in Philippe Richard, Sans titre, Éditions Galerie Bernard Jordan, mars 2015.