David Barbage



Propos receuillis par David Barbage, février 2007

Questions à Philippe RICHARD, peintre et sculpteur…


David Barbage : Le voyage, la découverte, le déplacement, quel sens donnez-vous à ces termes ?

Philippe Richard : Il est vrai que depuis quelques années, j’ai été amené à me déplacer beaucoup, à vivre dans différents endroits, différents pays, à découvrir différents lieux, que ce soit pour des expositions, des séjours, des voyages d’étude ou tout simplement pour des raisons d’ordre privé. Comme vous le savez, je vis avec une femme qui est née à Bucarest, a vécu longtemps à New York et se déplace beaucoup pour son travail. Aussi bizarre que cela puisse paraître, je n’aime pas voyager, ce qui  rend cette vie assez  difficile. En effet, j’ai du mal à quitter un endroit pour un autre. Donc en fait, une fois les bagages posés quelque part, les choses vont mieux, jusqu’au prochain déplacement ! En fait, je crois que je pourrais vivre à peu près n’importe où, du moment que je n’ai pas à faire des aller-retour... Evidemment, je me rends bien compte que c’est par ailleurs une chance  de pouvoir voyager autant. Quand je dois me déplacer, j’organise mon voyage en fonction des musées et des expositions se trouvant dans les villes que je vais traverser. Depuis quelques temps, j’ai ajouter les régions viticoles aux musées quand je  peux me déplacer en voiture. J’adore m’arrêter dans un village et déguster le vin de différents vignerons provenant du même terroir. Les différences de goût et de qualité sont énormes.

DB : Vous différenciez donc le voyage et le séjour ?

PR : Tout à fait. J’aime le sentiment de m’installer dans un endroit, de rencontrer de nouvelles personnes, de vivre dans de nouveaux paysages, sous une lumière différente. Très vite, j’entrevois les avantages et les inconvénients du nouvel endroit. Aucun lieu n’est parfait et c’est très bien comme ça. Comme je vous le disais juste avant, je crois que je pourrais vivre n’importe où, du moment que je puisse travailler comme je l’entends. Il y a  quelques années, quand je me rendais très souvent à New York, il me semblait important d’être là-bas, afin de voir le plus d’œuvres possible et de me confronter à la  création la plus contemporaine. Tout cela a eu des bons cotés. J’ai eu ainsi la chance de rencontrer de nombreux artistes comme Peter Soriano, Mark Schlesinger, David Reed, James Hyde, Roxy Paine, Jonathan Lasker, Robert Grosvenor et beaucoup d’autres. Certains sont devenus des amis. Maintenant, je ressens nettement moins la nécessité de rencontrer les artistes et d’exposer dans les endroits à la mode. Tout cela me paraît un peu vain. Désormais, je  travaille beaucoup et j’essaie de ne faire que ce qui me tient vraiment à coeur.  Je ne voudrais pas non plus donner l’impression qu’il n’y a pas d’artistes qui vivent en France, Je pourrais citer des artistes comme Shirley Jaffe, Claude Viallat, Al Martin, Frédérique Lucien, Gilgian Gelzer, Béatrice Cussol, Dominique de Beir, Makhi Xénakis, Pierre Mabille ou  Michel Gouéry que je considère comme des artistes importants et aussi des amis chers. Certains d’entre eux n’ont pas encore la reconnaissance à laquelle ils pourraient prétendre.

DB : Parmi ces artistes que vous citez, il y a des peintres, mais il y a aussi des sculpteurs.

PR : Oui. Il se trouve que mon aventure de peintre m’entraîne de plus en plus sur le terrain de la sculpture ou en tous cas, de la troisième dimension. Je ne sais  pas d’ailleurs si ces termes ont encore  un sens aujourd’hui. Je me suis toujours senti peintre, je  me suis toujours revendiqué comme un peintre, mais il me semble que ces classifications  sont devenues de plus en plus obsolètes. D’ailleurs, vous me présentez comme un peintre et sculpteur ! Un musée de Saint-Louis, dans le Missouri, le  Laumeier Sculpture Park ,  m’a invité récemment pour que je réalise une œuvre in situ. J’étais invité en tant que sculpteur. Remarquez, ils avaient invité juste avant moi Sol Lewitt. De toute façon, des artistes comme Sol Lewitt ou Richard Tuttle qui flirtent avec la troisième dimension sans complexe m’ont toujours beaucoup intéressé. Donald Judd a commencé sa carrière d’artiste en tant que peintre. Une chose que je trouve beaucoup plus étrange, c’est qu’actuellement l’œuvre d’un artiste tel que Robert Grosvenor influence d’une certaine manière ou plutôt d’une manière certaine mon travail, plus que certains peintres avec lesquels on a  pu m’associer.

DB : Peut-on dire que votre peinture / sculpture participe d’une démarche abstraite ?

PR : De la même manière que je ne crois pas beaucoup dans les catégories, les classifications, je ne crois pas beaucoup dans ce genre de terme générique. Toute peinture est une représentation, ne serait-ce que d’elle-même. Pour moi, il n’y a pas de  différence fondamentale entre Fouquet, Chardin, Manet, Cézanne, Matisse, Bram Van Velde, Hantai, Viallat, Jaffe ou Mitchell. Ce sont des peintres qui s’interrogent et interrogent le monde qui les entoure. Ils font tous partie d’une même famille. Je ne les voit pas comme des abstraits ou autre chose. Une chose est toutefois vraie : j’aime la peinture plus que les images. Peut-être que c’est une définition d’une certaine vision de l’abstraction. Par ailleurs, il est vrai aussi que j’aime énormément les mathématiques et les sciences de la vie. De là à être qualifié d’abstrait, j’aime trop me situer dans le réel. Je suis quelqu’un de très pragmatique. J’aime à regarder la situation telle qu’elle est et non telle que j’aimerais qu’elle soit.

DB : Qu’apprend-on d’un artiste peintre enseignant en école d’art?

PR :  Je ne crois pas être un grand pédagogue. Par contre, il me semble important que des artistes participant à  la création de leur temps s’investissent pendant une certain temps dans l’enseignement artistique. Ainsi, j’enseigne une certaine idée de la peinture au sein de l’équipe pédagogique de l’école régionale des Beaux-arts de Rouen. J’essaie de faire partager aux étudiants mon amour des œuvres et ma  passion pour la création. Je pense que les jeunes  qui étudient aux Beaux-arts ont une chance inouie. Ils sont au contact d’acteurs de la vie artistique et ont l’opportunité de choisir une  autre vie que celle qui leur est présentée dans les magazines ou les programmes politiques. Contrairement à certaines idées reçues, les écoles d’art sont des lieux où l’on travaille beaucoup et où les échanges entre les étudiants et les intervenants sont des plus fructueux. Ce n’est pas le paradis pour autant...

DB : La peinture fut-elle présente dès l’origine dans votre démarche d’artiste ?

PR :  Ma première émotion artistique a été la suivante : J’avais peut-être 6 ou 7 ans et je me trouvais seul dans ma  chambre. Mes parents avaient recouvert les murs d’un assez affreux papier peint représentant des paysages dans lesquels s’ébattaient quelques cow -boys et indiens perdus. Ce papier peint était par endroit décollé. Le désœuvrement du jeudi aidant, j’ai eu l’idée d’arracher tout ce qui était possible. J’ai décidé ensuite de « refaire » les parties manquantes avec mes feutres, et mes gouaches. Ça m’a pris une bonne partie de l’après-midi et je n’ai jamais oublié ce que j’ai ressenti quand j’ai pensé que j’avais terminé. Je me suis  reculé et cela m’a semblé beaucoup mieux. Ça n’a pas  été l’avis de mes parents, ils n’ont jamais été très visuels. C’est une anecdote. J’ai toujours été fasciné par la peinture tant pour le résultat que pour le processus de création. De la même manière que l’on peignait les sculptures au Moyen âge et dans l’Antiquité, je ne peux  imaginer une de mes structures sans peinture. D’ailleurs, quand j’y pense, je préfère le  terme « structure »  à celui de « sculpture ».

DB : Votre travail est davantage une peinture mise en espace qu’un espace mis en peinture, quel évènement fonde ce mode d’intervention ?

PR : Quand on me propose une exposition, j’essaie toujours de voir et revoir le lieu avant de commencer à travailler. C’est important pour moi de m’imprégner du lieu, de ses qualités (volume, lumière, histoire, etc...), mais ensuite, une grande partie du travail se fait à l’atelier. Je réalise des « pièces ». J’ai été amené à réaliser peu d’œuvre pour des lieux spécifiques. L’œuvre réalisée pour le passage à Yvetot en fait partie. Malgré tout, même celle-ci reste une peinture mise en espace. Je crois que ce que j’aime par dessus tout, c’est la possibilité d’emporter l’œuvre ailleurs, comme un nomade démonte, puis remonte, sa tente. J’ai eu l’occasion de me rendre plusieurs fois dans le désert mauritanien. J’ai eu beaucoup de chance, car peu d’étrangers choisissent cette destination. Sur place, nous essayons de vivre comme et avec les nomades Je suis toujours fasciné de ce qui leur est vraiment nécessaire. Il n’y a pas de place pour le superflu. En quelques minutes, le campement est démonté et les gens prêts à partir. Je ne voudrais pas passer pour un ascète. Je suis quelqu’un qui adore le superflu.

DB : Ainsi, vous vous définiriez finalement comme un artiste travaillant dans la solitude de son atelier...

PR : Dans un sens, oui. L’atelier est pour moi le lieu de la liberté. Personne ne peut y entrer qui n’y a pas été invité. Dans mon atelier, je m’autorise absolument tout. Par contre, je n’y suis pas toujours seul, j’ai besoin d’aide pour réaliser les pièces importantes. C’est à la fois un lieu de réflexion, d’expérimentation et de réalisation, voire de production.

DB : Comment définiriez-vous ce que vous produisez ?

PR : J’aime à créer des objets qui seront amenés à exister dans différents  lieux. Dans ce sens, ce sont des objets mobiliers, tout comme les tableaux d’ailleurs. Je tiens à ce que l’objet / peinture / sculpture / installation / etc... modifie la perception qu’on a du lieu qui accueille l’œuvre pour un temps. Je crois en la spécificité de l’objet peinture, à son autonomie. Il m’arrive de peindre directement sur les murs  mais ces interventions ont toujours pour origine quelque chose qui a été apporté, quelque chose de mobile. Je trouve que ces objets / peintures / etc.. fonctionnent dans l’espace quand non seulement elle le transforment, mais aussi le parasitent.

DB : Il y aurait donc une  certaine  lutte entre l’œuvre et l’espace qui les reçoit ?

PR : Peut-être. Il y a aussi cette question du débordement auquel je pense constamment. Le débordement, c’est l’instant où l’œuvre prend le dessus sur l’espace. C’est une idée qui est assez nouvelle pour moi. Il y a quelques années, parlant  des peintures entre elles ou en relation à l’espace,  j’aurais plutôt parlé de dialogue. Maintenant je préfère l’idée de parasitage. J’aime imaginer les œuvres se déployant dans l’espace comme s’étend une épidémie. Je cherche à créer des peintures qui soient à la fois attirantes  et menaçantes.

DB : Vous arrive-t-il d’entretenir une relation spirituelle aux couleurs?

PR : Non.  Je crois en la matérialité de la couleur. Je peux regarder des pigments pendant des heures. Je crois aussi que chaque couleur a une vitesse particulière qui est peut-être liée à sa longueur d’onde.

DB : « Yvetot donc vaut Constantinople… » que vous évoque cette citation de Flaubert ?

PR : Comme vous le savez, cette citation est issue d’une des nombreuses lettres écrites par Flaubert à Louise Colet. Tout d’abord, il faudrait peut-être remettre ces mots dans leur contexte. Flaubert écrit : « Si le livre que j'écris avec tant de mal arrive à bien, j'aurai établi par le fait seul de son exécution ces deux vérités, qui sont pour moi des axiomes, à savoir : d'abord que la poésie est purement subjective, qu'il n'y a pas en littérature de beaux sujets d'art, et qu'Yvetot donc vaut Constantinople ; et qu'en conséquence l'on peut écrire n'importe quoi aussi bien que quoi que ce soit. L'artiste doit tout élever ; il est comme une pompe, il a en lui un grand tuyau qui descend aux entrailles des choses, dans les couches profondes. Il aspire et fait jaillir au soleil en gerbes géantes ce qui était plat sous terre et ce qu'on ne voyait pas ». En fait, Flaubert, qui est en train d’écrire le chef d’œuvre qu’est « Madame Bovary » considère que plus que l’histoire  et  l’endroit où ça se passe, l’attitude de l’artiste  face à son travail et la vision qu’il en a est mille fois plus importante. J’aime cette idée que « l'on peut écrire n'importe quoi aussi bien que quoi que ce soit ». C’est une chose que j’ai toujours défendu en peinture. Pour moi, le motif n’a pas vraiment d’importance, l’histoire, la narration encore moins. Ce sont des prétextes à peindre. Je ne tiens pas particulièrement à avoir des idées. Je me méfie des idées, surtout des bonnes. Ce n’est pas cela qui fait la différence. La bonne idée qui nous passe par la tête, passe dans la tête de dizaine de personnes au même instant. Les artistes qui privilégient les bonnes idées s’exposent à avoir des clones de leurs œuvres un peu partout en même temps. C’est assez intéressant. Ce principe ne fonctionne qu’en art. Ailleurs, c’est parfois plutôt très important d’avoir des bonnes idées, dans le champ de la recherche scientifique, par exemple. Ce qui marche dans les sciences n’a aucune  validité en art, ou très peu. Quand Seurat, Géricault ou Van Gogh meurent, personne ne les remplacera. La perte que représente leur disparition est infinie. Dit comme cela, ça paraît évident. Chaque artiste est en principe irremplaçable. Pour un chercheur, c’est différent. Si Pasteur ou Einstein n’avaient pas eu le temps de faire leurs découvertes, d’autres les auraient faites.

DB : En peinture « le passage » est très souvent un mode de transition de la lumière à l’ombre, cette notion est-elle présente dans votre intervention dans le passage souterrain de l’avenue Georges Clemenceau ?

PR : Ce passage m’intéresse beaucoup parce qu’il semble très utilisé et qu’il n’a pas de qualité propre. C’est un couloir souterrain permettant de franchir une route très passante et reliant une partie de la ville à une autre. J’aime la notion de passage, de pénétrable. C’est quelque chose que j’ai développé notamment avec la  série des variables atmosphériques, peintures ambiguës qui flirtaient avec l’architecture, le mobilier, la peinture, les objets, etc..

DB : La Galerie Duchamp est hébergée dans une ancienne minoterie du XIX éme siècle, cette particularité a-t-elle influencé la façon dont vous avez investi son espace ?

PR :  Il se trouve que j’ai grandi à coté d’une minoterie. En fait, presque dedans. C’était une petite usine vieillote dont mon père avait la charge sans en être le propriétaire. La plupart de mes souvenirs d’enfance sont liés à ce lieu industriel d’une autre époque. Il était évidemment interdit aux enfants de jouer dans l’enceinte de la minoterie. C’´était très tentant de venir jouer et construire des cabanes et des galeries au milieu des sacs pesant chacun entre 50 et 100 Kg dans des entrepôts poussiéreux qui sentaient des odeurs de farine, de céréales.  Construire des  galeries et surtout devoir échapper aux ouvriers qui avaient la consigne de nous chasser mais qui en réalité nous aimaient bien et avaient d’autres chats à fouetter. Il y avait aussi les silos à grains et les trous dans les planchers...

DB : C’est pour cela que vous avez tenu à les réutiliser dans l’espace de la galerie ?

PR : Oui, comme à Yvetot. Tous les trous que nous avons réouverts par lesquels passaient les courroies et les élévateurs. Il me semblait important de retrouver une nouvelle fonction à toutes ces traces du passé. Tous ces trous offrent une quantité intéressante de potentialité.

DB : D’accord, mais y a t’il une relation particulière entre les oeuvres exposées et l’espace de la minoterie ?

PR : Je rêve que les visiteurs de l’exposition d’Yvetot repartent en ayant non seulement vu une exposition mais aussi compris un peu mieux l’espace de la  galerie et les raisons pour lesquelles  ce lieu a cette configuration si particulière. Pour moi, le lieu d’exposition de la galerie Duchamp est un lieu très chargé du fait de tous mes souvenirs et aussi de la structure très particulière d’une minoterie. Ce serait peut-être un peu long à expliquer. Il existe peu de lieu en France aussi  chargé que la galerie Duchamp. Je me souviens de l’exposition réalisée dans l’espace de l’H du Siège, à Valenciennes. Cette exposition avait été réalisée en collaboration avec un autre artiste, Egide Viloux, avec lequel j’ai réalisé différents projets, les pièces étant imaginées en commun. Bien sûr, il y a aussi le Creux de l’Enfer. C’est un lieu dans lequel j’aimerais aussi beaucoup intervenir. J’en ai déja parlé à Frédéric Bouglé. Les choses qui nous tiennent à cœur mettent parfois du temps à se réaliser.

DB : Chacune de vos expositions fait-elle nécessairement appel à des « affinités électives » avec son espace, comme avec les personnes qui « l’habitent » ?

PR :  Nécessairement est un peu exagéré. Il y a bien sûr des exceptions. En tous cas, ce qui est sûr, c’est que le lieu, s’il a une qualité, induira forcément le travail qui sera exposé. Pour Yvetot, la plupart des œuvres exposées a été réalisée spécifiquement pour l’exposition. Ce sont pourtant des œuvres autonomes qui seront amenées à être réexposées dans d’autres lieux. Certains lieux sont plus importants que d’autres. Il en a été ainsi de Lacoste, au Savanah College of Art and Design, en été 2005, quand j ‘ai été amené à intervenir au sein du village avec une pièce qui mesurait un kilomètre de  long et proposait une visite inédite (et en principe interdite) de certaines parties du village où Sade avait été arrêté, en se basant sur un texte du mathématicien Poincarré. Certains lieux sont plus évocateurs par leurs qualités intrinsèques ou leurs possibilités. Ainsi, en principe, je devrais être amené à  intervenir dans et autour du musée Matisse au Cateau-Cambrésis l’année prochaine. C’est une aventure qui m’intéresse beaucoup. Il y a  une chose que j’aurais voulu ajouter. J’ai toujours des difficultés à exposer dans  le sens où malgré tout je suis amené à imposer quelque chose à quelqu’un. Ce qui me plait, c’est que tout cela est finalement assez éphémère et que si cela ne plait pas, il suffit de patienter un peu, mais pas trop...

DB : Quelles ruptures voyez-vous dans votre démarche entre hier, aujourd’hui et demain?

PR : C’est difficile de répondre à  une telle question. J’ai toujours l’impression de  faire des choses incompatibles entre elles. Quand arrive le moment de l’exposition, tout retrouve un sens, et finalement chaque pièce fonctionne comme un mot dans une phrase, à la différence que la  phrase peut être  réécrite à chaque nouveau point de vue, qu’elle prend à chaque fois un sens  nouveau et que tous les mots sont par définition interchangeables. J’ai juste l’impression que l’âge de la maturité venant, j’entrevois plus de possibles pour mes recherches et je peux aller plus vite au but. Il y a des choses que j’aimerais approfondir. Il y a d’autres choses que j’aimerais laisser de coté. Parfois, pourtant, ce qu’on abandonne est plus important que ce que l’on croit avoir découvert. Finalement, il faut peut-être accepter de se fier à son intuition.

DB : Une citation que vous appréciez ?

PR : « Rien - ou presque rien - de ce qui émerge au cours de la longue histoire du vivant n’est de nature définitive. L’évolution est une succession infinie d’accidents, construisant, déconstrusant et reconstruisant sans cesse, faisant naître la nouveauté ». Jean-Claude Ameisen, La sculpture du vivant, Edition du Seuil, 2003.

Propos recueillis par David Barbage, février 2007.