Philippe Richard



Matisse aujourd'hui
Exposition du 4 septembre au 1er novembre 2009 à la pinacothèque de Sao Paulo, Brésil


A la troisième personne


    La peinture peut être un moyen de définir un espace, une surface, un territoire. Depuis plusieurs années, le travail de Philippe Richard se développe autour d’une réflexion plastique quittant le tableau proprement dit fait de débordements, d’éléments proliférant dans l’espace d’exposition et sur les murs de cet espace. L’espace d’exposition n’est plus seulement un écrin recevant les œuvres, il participe activement à l’œuvre en train de se faire, il en devient le fond, le support actif.

    Philippe Richard est peintre. Il se dit peintre. Il est vrai qu’il peint des tableaux, des tableaux de toutes les tailles, des grands et des petits. Il peint aussi d’autres choses, sur d’autres matériaux. Il invente des formes, des structures lourdes ou légères, solides ou mobiles, sur lesquelles il peint. C’est pour cela qu’il se dit peintre.

    Avant, il ne peignait que sur des tableaux, et puis il a peint sur des bois flottés trouvés en Islande. Depuis, il peint sur n’importe quoi, mais plutôt sur du bois. Ses dernières œuvres sont constituées de nombreux tasseaux de bois peint assemblés entre eux, constituant une structure, des structures organisées proliférantes, ou des disques de bois peints réunis en groupes sur le mur. C’est parce qu’il peint sur de nombreux supports que Philippe Richard se dit peintre. Même quand son travail envahit les murs, remplit les volumes, envahit l’espace public, Philippe Richard maintient le fait qu’il est peintre
et rien d’autre.

    Si l’on regarde ce qu’il peint, Philippe Richard ne peint que des éléments simples, à base d’aplats, de lignes et de points. Certaines fois, les éléments picturaux sont entièrement représentés sur la surface peinte. Les formes se trouvent alors contraintes par l’espace pictural proposé. D’autres fois, au contraire, les éléments s’échappent de la surface peinte, créent alors un hors champ riche de possibles, d’inventions potentielles débordant de la toile pour se développer éventuellement sur les murs, le plafond ou le sol ; des éléments hétérogènes colonisant le monde réel. Eric Suchère écrit qu’il s’agit de peinture polymorphe.

    Philippe Richard dit qu’il a toujours voulu être artiste, ou alors jardinier ou alors voleur. Il aime regarder les choses pousser : les plantes, les personnes, les idées. Il est aussi un peu voyou, pas toujours comme il faut. Il dit aussi que les sciences et leurs iconographies ont toujours été pour lui une source d’inspiration. Il faut bien peindre quelque chose. Mais les cellules qu’il peint, les schémas qu’il invente sont plus que des motifs picturaux. Ils représentent des éléments d’une organisation possible, d’un organisme en train de naître. Ils parlent du pouvoir évocateur des images.

    Philippe Richard dit qu’il n’en est qu’au commencement, que tout reste à faire, que le temps passe trop vite. Quand il ne va pas bien ou quand il est en forme, il va dans les musées voir de la peinture ancienne. Il dit que les tableaux sont une belle idée. Il trouve que l’invention de l’image fixe est une invention formidable, inégalée, qu’elle permet de prendre la mesure du flux incessant de la pensée qui, lui, ne s’arrête jamais.

    Il utilise aussi des motifs décoratifs. Ces motifs se retrouvent dans de multiples civilisations, de lieux ou d’époques très différents. Il appartiennent à tout le monde. Il aime les choses de peu de valeur, comme la chanson de variété, les petits actes de la vie quotidienne, les détails sans importance. Cet aspect est très important. Il croit que c’est dans les toutes petites choses que se trouve l’essentiel. Il aime que les gens simples voient autant de choses dans ses peintures que les personnes dites érudites. Ce n’est qu’une question de perception et de registre. Il aime jouer sur tous les tableaux. Il faut avancer prudemment mais dans toutes les directions à la fois.


Philippe Richard, juin 2009